Auteur : Pascal

Mes ancêtres ont participé à la grande aventure du chemin de fer français pendant trois générations du milieu des années 1870 à la deuxième moitié du XXe siècle.

  • Mes trisaïeuls et trois de leurs enfants étaient employés à la Compagnie du chemin de fer du Nord près de Saint-Sulpice dans l’Oise en tant que cantonniers et gardes-barrières.
  • Mes bisaïeuls étaient gardes-sémaphores à la Compagnie du chemin de fer du Nord près de Silly-Tillard dans l’Oise.
  • Mon aïeule était chef de halte et garde-barrière à la SNCF à Amécourt dans l’Eure.
Extrait de la carte du réseau de chemin de fer du Nord, 1905
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Le destin de mes trisaïeuls était d’autant plus lié au chemin de fer qu’un autre de leurs fils a été retrouvé mort sur la ligne de chemin de fer près de Mouy dans l’Oise lors d’une permission, un mois après la fin de la Première Guerre mondiale.

Ils ont débuté leur carrière à la mise en service du tronçon de Méru à Beauvais le 15 avril 1876. Cette portion faisait partie de la ligne de Paris au Tréport ouverte de 1872 à 1877. Elle constituait l’axe principal des trains de Paris à la mer.

Locomotive à vapeur 2.741 type 222 de la Compagnie du chemin de fer du Nord
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

La Compagnie du chemin de fer du Nord fut créée le 20 septembre 1845 par le banquier James de Rothschild et ses associés. Elle céda son activité à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) le 31 août 1937.

Bouton de la Compagnie (collection personnelle)
© Pascal Augé – Tous droits réservés

À l’origine, le réseau assurait la liaison vers les régions minières du Nord (Douai, Valenciennes et Lille), la Belgique et la Grande-Bretagne. Le réseau s’étendit ensuite vers Saint-Quentin, Dunkerque, Calais, Amiens, Boulogne-sur-Mer, Le Tréport. La longueur du réseau exploité de la Compagnie du chemin de fer du Nord était de 3686 km vers 1900 dont 1936 km de double voie et 1750 km de voie unique.

Évolution du réseau ferré entre 1850 et 1890
Source : Cheminots internautes de Midi-Pyrénées

Cantonnier

En règle générale, les passages à niveaux étaient tenus par un couple d’agents. Le mari, cantonnier, entretenait la voie de chemin de fer le jour et assurait la garde des barrières la nuit. L’épouse s’occupait de la garde des barrières le jour. Le cantonnier était préposé à l’entretien de la voie ferrée et des abords sur une portion longue de plusieurs kilomètres. Il était également chargé de la surveillance de la voie ferrée.

Mon arrière-arrière-grand-père Zéphirin Paul Vachet était cantonnier sur la ligne de chemin de fer de Montsoult à Amiens à partir de 1876, date de mise en service du tronçon de Méru à Beauvais. Il était préposé à l’entretien de la voie ferrée et des abords jusqu’en 1896 près de la commune de Saint-Sulpice dans l’Oise.

Acte de décès de Louis Edmond Vachet (1893-1894)
Source : Archives départementales de l’Oise (état civil de Saint-Sulpice NMD 1893-1902 – 3E598/14)

Sa femme était garde-barrière. Il a consacré une vingtaine d’années de sa vie à ce travail de forçat été comme hiver (alignement des rails, nivellement et entretien des traverses, vérification des boulons, entretien du ballast en silex, désherbage, fauchage, taille des arbres et des haies, entretien des caniveaux et fossés, déblaiement de la neige et de la glace, dégivrage des aiguilles, etc.). Lorsque l’occasion se présentait, il devait soigneusement consigner toute avarie dans un rapport.

Son fils Désiré Vachet était cantonnier auxiliaire en 1896.

Son autre fils Désiré Séraphin Vachet était cantonnier auxiliaire de 1895 à 1896 puis employé de chemin de fer de 1899 à 1900. Il a fait partie de la 5e section de chemins de fer de campagne (Nord) en 1910 et 1914 pendant la Première Guerre mondiale.

Garde-barrière

La garde des barrières était en général assurée par un couple, le jour par la femme et la nuit par le mari. Ils résidaient sur place dans une maisonnette. Le travail consistait, avant l’arrivée des trains, à fermer les barrières lorsqu’elles étaient normalement ouvertes ou, au contraire, à les ouvrir lorsqu’elles étaient normalement fermées. Le garde-barrière était équipé d’une corne pour annoncer l’arrivée d’un train et d’un drapeau rouge pour signaler un danger. Il devait aller à la rencontre du train annoncé et agiter son drapeau rouge lors d’une avarie sur une voiture précédente ou lors de la chute d’un chargement sur la voie.

Halte et passage à niveau d’Amécourt
© Pascal Augé – Tous droits réservés

Mon arrière-arrière-grand-mère Florentine Anathalie Racinet était garde-barrière de 1880 à 1896 au hameau du Bout de Brie sur la commune de Saint-Sulpice dans l’Oise. Son mari était cantonnier sur la ligne de chemin de fer.

Ma grand-mère paternelle Alice Alexandrine Anatolie Tillier était également garde-barrière et chef de halte de 1951 à 1963 à Amécourt dans l’Eure sur la ligne de Saint-Denis à Dieppe.

Mon aïeule, chef de halte et garde-barrière (collection personnelle)

Garde-sémaphore

Le garde-sémaphore était chargé de la circulation sur la voie ferrée pour éviter le rattrapage des trains qui circulaient à des vitesses différentes. Il était affecté à un sémaphore à côté d’une guérite dans laquelle il était enfermé jusqu’à 12 heures consécutives en hiver. Son travail consistait à garantir l’espacement entre les trains dans un canton (subdivision de la voie ferrée).

Sémaphore de chemin de fer
Source : gallica.bnf.fr / Journal télégraphique (25 mai 1882)

Les sémaphores permettaient d’éviter les collisions entre trains. Ils étaient manœuvrés manuellement par des gardes-sémaphores au début du développement du chemin de fer. L’ingénieur Henri Lartigue inventa l’électro-sémaphore qui sera testé dans le Nord de la France en 1874. Ce système permettait de sécuriser le fonctionnement en évitant qu’une ouverture accidentelle d’un sémaphore ne soit possible avant le passage du train à la gare suivante.

La figure ci-dessus « représente le sémaphore pour un chemin de fer à double voie. La ligne A B indique le niveau du sol. L’une des ailes, l’aile C, se trouve dans la position horizontale ou d’arrêt, l’autre est suspendu derrière le poteau et l’on n’en voit que la partie circulaire. Le bras horizontal E ne concerne pas le mécanicien sur le train et n’a de signification que pour le gardien du poste sémaphorique. Un second levier est invisible derrière le poteau. Dans les boîtes en tôle H et K se trouvent les mécanismes et les contacts électriques. Il y a quatre de ces boîtes, les deux du côté de derrière sont invisibles sur le dessin. Au dessous de ces boîtes est placée la pile qui se trouve aussi quelquefois dans une cuve cimentée à côté. Les deux aîles supérieures sont peintes en rouge, les deux bras inférieurs en gris. [sic] ».

Le système représenté ci-dessus est « le système Lartigue, Tesse et Prudhomme qui était exposé dans tous ses détails par le chemin de fer du Nord… [sic] ».

Les quatre boîtes en tôle placées au pied du mât (repères H, K) sont appelées blocs d’annonce. Elles permettaient de commander une palette rouge au sommet du mât (aile C ou D par exemple) pour indiquer le passage ou l’arrêt impératif d’un train, et une palette blanche plus petite (bras E par exemple).

Bloc d’annonce Lartigue, Musée du Rail de Dinan
© Pascal Augé – Tous droits réservés

Mon arrière-grand-père Prosper Alexandre Jean-Baptiste Tillier était garde-sémaphore de 1906 à 1911 près du hameau de La Goulée sur la commune de Silly-Tillard dans l’Oise.

Mes bisaïeuls, gardes-sémaphores (collection personnelle)

Sa femme Ambroisine Vachet était également garde-sémaphore en 1901 au hameau du Val de l’Eau sur la commune de Saint-Sulpice dans l’Oise et en 1906 avec son mari près du hameau de La Goulée sur la commune de Silly-Tillard dans l’Oise.

Recensement de population de Silly-Tillard (1906)
Source : Archives départementales de l’Oise (recensement de population de Silly-Tillard 1906 – 6 Mp 684)